Editorial

La République, ce sont des actes. Pour tous, sur l’ensemble du territoire. Face aux inégalités territoriales, aux difficultés frappant nombre de nos concitoyens qui se sentent relégués, entravés dans leurs projets ; face au chômage de masse, notamment des jeunes, à l’insécurité, aux trafics, à la montée des communautarismes, il faut poursuivre et amplifier l’action de l’État. C’est à force de volontarisme, de cohérence, de lucidité et de responsabilité que l’on parvient à faire changer les choses. Discours de vérité et action déterminée : telle est notre exigence, celle du Gouvernement et celle du président de la République. Bien sûr, il faut du temps. Rien n’est simple. Il s’agit de transformer la ville, d’améliorer concrètement les conditions de vie de millions de nos concitoyens. Ils attendent beaucoup des pouvoirs publics. Et ils ont raison. Répondre à cette attente dans la durée, dans la transparence de l’action; tendre vers l’égalité réelle, lever les barrières qui fractionnent la société française, c’est l’objectif que poursuivent les comités interministériels Égalité et Citoyenneté (Ciec) : ne pas faire de compromis sur les valeurs et déployer une action pas-à-pas, en partant du terrain.

 

 

- LA MAÎTRISE DU FRANÇAIS, ÉLÉMENT ESSENTIEL DE COHÉSION SOCIALE

 

Cela passe d’abord par l’apprentissage réussi du français à l’École, une priorité de la refondation de l’École, grâce à de nouveaux programmes de la maternelle à l’élémentaire, qui renforcent la maîtrise des fondamentaux, grâce aux évaluations dès le plus jeune âge et aux aides individuelles pour les enfants les plus en difficulté. Cela passe aussi par la scolarisation des moins de 3 ans pour les familles les plus éloignées de la pratique du français. Cela passe enfin par le renforcement de l’obligation de l’apprentissage du français pour les primo-arrivants, et le déploiement de cursus d’apprentissage grâce à la loi du 7 mars 2016. Il n’y a pas d’intégration possible sans compréhension de la langue et des règles du pays dans lequel on s’installe. Mais aujourd’hui, six millions de Français ne sont pas complètement à l’aise avec notre langue à l’écrit ou à l’oral ; c’est un handicap inacceptable dans la France de 2016. Une Agence de la langue française pour la cohésion sociale sera créée d’ici la fin de l’année : dans les cinq ans qui viennent, toutes celles et ceux qui éprouvent des difficultés dans le maniement de la langue française, devront avoir trouvé la formation ou le projet qui leur convient.

 

 

 

- OUVRIR LA SOCIÉTÉ, LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS

 

Construire l’égalité réelle, c’est d’abord lutter contre les discriminations. Le renforcement de la lutte contre les discriminations est prévu par le projet de loi Égalité et Citoyenneté : la répression des délits racistes et discriminatoires sera plus forte, les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie seront étendues. Enfin, pour dissuader les pratiques discriminatoires, les actions de groupe en matière de lutte contre les discriminations seront autorisées, afin de garantir des recours simples et efficaces permettant d’indemniser et d’accompagner les victimes. Construire l’égalité réelle, c’est aussi montrer la capacité d’ouverture de l’État à la société française dans sa diversité. Les discriminations éventuelles dans l’accès à la fonction publique font en ce moment l’objet d’une évaluation systématique. Des premiers testings ont été réalisés, toutes les procédures de recrutement sont revues. Des comités d’audition chargés des recrutements des cadres dirigeants sont mis en place, pour permettre la diversification des profils. Les 75 écoles de service public auront prochainement un plan d’action pour la diversification des profils de leurs élèves fonctionnaires. De façon complémentaire, 10 000 contrats d’apprentis ont été ouverts dans la fonction publique de l’État à la rentrée 2016, contre 4 000 en 2015. Au-delà, le projet de loi permettra d’ouvrir le recrutement dans la fonction publique à une plus grande diversité de parcours, pour prendre en compte les périodes d’apprentissage et élargir le recrutement par la voie du 3e concours. Enfin, tous les ministères doivent s’engager, dès cette année, dans un processus de labellisation en faveur de la diversité et de l’égalité professionnelle femme / homme. La lutte contre les discriminations à l’embauche se poursuit dans le secteur privé : elle se traduit par une campagne de testing à l’embauche lancée sur une quarantaine d’entreprises de toute taille. De manière préventive, Pôle emploi déploie une offre de service pour accompagner les TPE et les PME dans le développement de méthodes de recrutement non discriminantes.

 

 

 

- CONSACRER LE MÉRITE RÉPUBLICAIN, OUVRIR LE DROIT À LA RÉUSSITE

 

Accompagner les jeunes de milieu modeste qui démontrent leur volontarisme, c’est montrer que le travail et le mérite payent. Les jeunes diplômés en recherche d’emploi – ils sont 8 400 dans les quartiers, c’est trois fois plus que la moyenne nationale – bénéficient d’un accompagnement personnalisé et sont mis en relation avec des clubs de parrains. Le parrainage se généralise grâce à la mobilisation de tous les acteurs : les réseaux RH, les chefs d’entreprise, la haute fonction publique. L’accès à l’entreprenariat est aussi un droit à la réussite. L’Agence France entrepreneur (AFE), présidée par Mohed Altrad, accompagnera tous les créateurs d’entreprise, particulièrement dans les territoires fragiles où l’accompagnement et le financement sont aujourd’hui moins présents. L’action de l’AFE permettra la levée de nombreux freins juridiques et administratifs à la création et à la transmission d’entreprises. Il faut abolir les barrières invisibles qui épuisent les porteurs d’initiatives.

 

 

 

- LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS, C’EST CASSER L’APARTHEID SOCIAL EN MATIÈRE DE LOGEMENT

 

Un an après la création de la Délégation interministérielle à la mixité sociale dans l’habitat, les résultats de son action sont visibles. Sur les 221 communes réticentes à accueillir des logements sociaux : plus de 11 000 logements ont été construits ces deux dernières années, grâce à 110 préemptions et 21 permis délivrés par les préfets ; plus de 200 contrats de mixité sociale ont été négociés ou sont en cours, pour les aider à accélérer la construction de logements sociaux dans les trois prochaines années. Par ailleurs, sur l’année 2015, l’État et ses opérateurs ont cédé 80 terrains publics qui permettront de construire près de 9 000 logements, dont plus de 40 % seront des logements sociaux. En 2016, l’objectif est de 100 cessions. Le projet de loi Égalité et Citoyenneté renforce le pouvoir de l’État pour se substituer aux communes qui refusent les logements sociaux. Il réorganise les conditions d’attribution de logement dans le parc social pour rééquilibrer son occupation et accroître la transparence : ainsi, au moins 25 % des attributions devront être destinées aux demandeurs les plus pauvres à l’extérieur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les loyers seront adaptés à leurs revenus.

 

 

 

- INVITER CHACUN À S’ENGAGER, C’EST METTRE LA RÉPUBLIQUE EN ACTES

 

L’engagement collectif d’abord. Dans les 1 500 QPV, l’État a misé sur la mobilisation des habitants eux-mêmes. C’est le sens de la création des conseils citoyens, ce sera également le sens de la réforme du 1 % culturel : l’intervention artistique permet de créer des dynamiques collectives, stimule la créativité et contribue à l’appropriation par les habitants des mutations de leurs territoires. Dans les associations, principal lieu d’engagement des Français, avec 12 millions de bénévoles et plus de 20 millions d’adhérents. Après la signature d’une nouvelle charte des engagements réciproques entre associations et pouvoirs publics, la préservation des budgets d’intervention, les mesures fiscales de soutien à l’emploi associatif, les projets de loi Égalité et Citoyenneté et « Travail » comportent des avancées majeures pour favoriser et valoriser l’engagement associatif. L’engagement civique de tous, tout au long de la vie, et notamment des plus jeunes. C’est la meilleure façon d’expérimenter les valeurs de la République. Le projet de loi Égalité et Citoyenneté scellera les dernières briques d’un parcours d’engagement civique généralisé, de l’école à l’université, des écoles de la fonction publique au Service civique, en passant par la Réserve citoyenne. L’objectif est double : permettre à chacun de s’engager, à n’importe quel moment de son parcours; valoriser cet engagement car, s’il est utile à la société, il est aussi porteur de nouvelles compétences pour celui qui s’engage.

Manuel Valls, Premier ministre